Portraits croisés #18 - Préparer son retour : Les premiers mois en France

Deuxième partie de nos portraits croisés consacrés au retour en France (Pour relire ou découvrir la première partie, c'est par ici).
Quitter un lieu où on a passé de nombreuses années n'est pas toujours évident, d'autant plus quand s'ajoutent des démarches administratives à n'en plus finir, une recherche d'école / crèche pour ses enfants ainsi qu'une recherche d'emploi ! Certains expatriés peuvent également ressentir un "choc culturel inversé" et peuvent donc avoir besoin de temps pour s'adapter à leur nouvel environnement.
Heureusement, les retrouvailles avec la famille et les amis, la redécouverte des bons mets français et de notre système de santé permettent d'adoucir ce retour d'expatriation.
Dans cet article, nos 5 anciennes expatriées (Karine, Florence, Noémie, Claire et Mathilde) nous racontent leurs premiers mois en France.

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Les premiers mois en France

La réponse a été unanime : toutes les familles ont été heureuses de retrouver la gastronomie française !

Karine : « J’ai été heureuse de retrouver de la bonne nourriture variée et équilibrée, notre système de santé et notre médecin de famille ! Le fait de retrouver la langue française est aussi plus simple.
Nous avons également eu la chance de bénéficier de certains avantages, nos revenus étant nuls l’année précédente (primes pour les travaux d’isolation de notre maison, aides pour les vacances avec le CCAS, etc.). »



Cependant, nos anciennes expatriées ont également souligné la lourdeur des démarches administratives françaises.
Noémie : « J’ai été contente de retrouver mes proches, mes montagnes et certains mets comme le fromage.
Les difficultés que j’ai pu rencontrer ont surtout été de l’ordre administratif. Enceinte, j’ai dû, en urgence, mettre à jour mon dossier de sécurité sociale et de CAF. Ayant accouché prématurément, j’ai d’ailleurs dû payer une partie de mon séjour à la maternité puisque je n’avais pas tous les documents pour ma mutuelle.
Une autre difficulté d’adaptation que je note est que je me pose encore la question du côté de la route où je dois rouler lorsque je prends ma voiture ! »

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Claire « J’ai plutôt bien vécu notre retour. Après un an et demi de Covid, de lockdown et de démarches épuisantes pour aller en France ou revenir en UK (tests day 2, day 8 et autres joies de la quarantaine), j'avais vraiment hâte de retrouver mes repères !
Pour moi, le vrai changement c’est le système de santé. Je peux passer 30 minutes chez le pédiatre, expliquer les symptômes de mes filles asthmatiques et c’est vraiment rassurant !
Il a fallu néanmoins se confronter à la lourdeur administrative française ! Entre la CPAM (surtout quand votre enfant est né à l’étranger), la CAF (obtenue au bout de 3 mois et encore nous étions chanceux), il faut s’armer de patience…
Il y a également des aspects un peu rebutants, comme la saleté de la ville et l’incivisme, à l'opposé des anglais. Les Marseillais sont sanguins, rebelles mais il faut voir aussi leurs traits très attachants. »



Mathilde : « Nous avons commencé par les vacances d’été mais la rentrée a été rude pour tout le monde ! Il a tout d’abord été compliqué de trouver un médecin traitant dans une zone de désert médical… Il a fallu vite se créer un réseau pour avoir le bon piston.
Il n’a également pas été facile de ne plus avoir le soutien du réseau des expatriés, très développé et très riche à Taunton.
Dans cette période de pandémie, il a aussi fallu se mettre à jour sur les mesures françaises, comprendre ce qui a été vécu en France, comme le couvre-feu, les attestations, etc.
Une des difficultés fut aussi d’accepter que le français râle… Cela a été très pénible pour mon mari dans son travail … là où l’anglais ne dit rien mais n’en pense pas moins !
Et la longueur des démarches administratives… Au bout de 6 mois, il nous reste encore à mettre à jour notre mutuelle, la CAF… Que des réjouissances en perspectives ! 
Mais quelle joie de retrouver la famille et les amis ! Et quel plaisir de retrouver des produits alimentaires qui nous ont tant manqués. Et une boulangerie à côté de la maison ! »


Florence : « Beaucoup de stress et d’énergie dépensés lors de ces premiers mois en France ! Même en nous y prenant en amont, j’ai eu cette impression, un peu frustrante, de ne pas contrôler grand-chose.
Il n’a pas été facile d’obtenir un prêt bancaire. Être non-résidents fiscaux a multiplié la complexité et les délais. Nous n’avons pu emménager qu’après la rentrée scolaire.
Mais surtout tellement de joies : celle tout d’abord de retrouver amis, famille, d’autant plus avec la situation actuelle ; celle aussi de tout comprendre, sans ambiguïté, d’avoir les références. »


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Les enfants :

Cursus tourné vers l’international pour ne pas perdre les acquis anglais ? Choix d’une école classique de quartier ou d'une école privée renommée ? 
L’inscription en école publique se fait sur simple demande auprès de la mairie pour le primaire, auprès de l’académie pour le secondaire. Toutefois, un justificatif de domicile est demandé. 
De nombreuses familles d'expatriées préfèrent donc parfois se tourner vers le privé, permettant à leurs enfants de s'assurer une place dans un bon établissement et de se projeter sans connaître encore le quartier d'habitation. Cependant, les dossiers d'inscription sont souvent à renvoyer avant décembre de l'année précédent le retour.
Il en est de même pour les écoles internationales : il peut être difficile d'obtenir une place et certaines écoles sont onéreuses.

Claire « Pour l'école, à Marseille comme souvent dans les grandes villes, il faut s'y prendre presque un an avant la rentrée pour avoir une place dans une école privée. Mais l'école publique du quartier est vraiment très bien et notre fille, Alice, s'y plait beaucoup. 
Malheureusement, elle perd son anglais… Elle continue cependant de regarder des dessins animés en anglais (Peppa pig) et les photos souvenirs de Bristol l’aide à se remémorer les personnes rencontrées pendant son expatriation. »

Karine : « Nos enfants sont retournés dans des établissements publics, sans section internationale. Ils ont même pu retrouver leurs amis laissés quatre ans plus tôt ! Leur réintégration s’est donc très bien passée.
Nos ainés ont des enseignants très bienveillants. Ils ont un bon niveau scolaire grâce au double-cursus suivi avec le CNED. Surtout en mathématiques : scolarisés en Y9, ils ont vu des notions qui n’étaient pas encore abordées en 4ème.
Notre benjamin, Gabriel, a fait beaucoup de progrès en écriture et soin. Il a pu reprendre ses séances d’orthophonie en présentiel alors que c’était impossible à Bristol. C’est une vraie facilité ! »




En arrivant en France après une longue période d’expatriation, les enfants se sentent parfois en décalage, en choc culturel inversé, avec une approche pédagogique qui est parfois très différente de celle connue jusqu’à présent.
Mathilde : « Redécouvrir l’école française a été un sacré morceau à digérer. Notre ainée n’avait fait que la petite et moyenne section avant notre départ et d’un coup, elle se retrouve propulsée en CM2, sans connaitre le fonctionnement des notes, des cours, etc. Pas facile non plus le retour à la semaine de 4 jours avec la cantine en option.
Et surtout le choc a été énorme entre le système scolaire anglais privé vs le système privé français ! L’école du village (175 élèves de la TPS au CM2) n’a pas du tout les mêmes moyens financiers, le même type de population, le même rapport à l’enseignant, à l’autorité. Les enfants ont par exemple été surpris d’entendre des élèves dire des gros mots et/ou être insolents avec les enseignants. Les effectifs de classe ne sont pas les mêmes non plus : notre fils passe d’une classe de 9 à une classe de 25 ! Et dans une école de village où les élèves déménagent peu, se connaissent tous depuis des années et donc sont peu habitués à accueillir des nouveaux, là où les écoles anglaises « recrutent » des nouvelles familles et donc développent une politique d’accueil très attractive.
L’intégration a donc été difficile pour nos 4 enfants. Ils ont eu une expérience de l’école vraiment hors norme à Taunton et le décalage est énorme. Certains étaient contents de quitter l’uniforme, d’autres déçus de faire beaucoup moins de sport ou aussi impressionnés d’être dans une classe avec un tel effectif. Tous étaient très tristes de quitter leurs amis anglais qu’ils connaissaient depuis 5 ans pour la plupart.
Cependant, c’était amusant de les voir découvrir plein de choses simples : les jeux de récré, certains mots de vocabulaire, etc.
Mon fils a la chance d’avoir un très bon maître, qui fait attention à lui et se montre très patient quand il n’arrive pas à compter en français ou quand il écrit les sons français à l’anglaise. Les deux ainés sont très fiers d’aider leurs enseignants pendant les cours d’anglais, comme ils le faisaient en cours de français à Taunton ! »

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En primaire (jusqu’au CM2), dans les écoles publiques, les enfants sont remis dans leur classe d’âge, avec ou sans programme du CNED suivi. Cependant, pour les élèves du secondaire, il est parfois difficile de faire reconnaitre par l’Education Nationale, le parcours très spécifique des enfants ayant vécu en expatriation.
Florence : « Nous avons fait le choix de l’école publique pour nos enfants. Cependant, même en nous y prenant tôt, il a été difficile de les inscrire dans le secondaire car nous n’avions pas encore d’adresse officielle.
De plus, n’étant pas scolarisés dans un établissement français, ils ne rentraient pas dans les cases classiques. Il nous a donc fallu trouver la personne compétente au sein de l’académie qui comprenne bien notre situation (enfants français, scolarisés à l’étranger mais ayant suivi un double cursus) et nous oriente vers le bon service.
Malheureusement, nous avons alors eu la désagréable surprise d’apprendre que l’académie ne reconnaissait pas les cours du CNED (suivis courageusement par nos enfants) comme étant d’égale valeur aux cours suivis par leurs camarades restés en France. Des tests semblaient donc obligatoires mais difficiles à faire passer, compte tenu du contexte sanitaire. Ils ne les ont d’ailleurs finalement pas faits ! Nous avons retrouvé la complexité, la lenteur et pourrait-on dire, l’inefficacité de l’administration française car la veille de la rentrée, un des enfants n’avait pas de place attitrée dans un établissement ! 
Après 6 mois passés en France, nos enfants se sentent un peu en décalage : they miss their English friends, et parler anglais (sauf mon garçon !) et le sytème éducatif  de Colston’s !
Mais ils ont très rapidement retrouvé des amis. C’est peut-être plus difficile pour ma fille collégienne, toujours à cause de cet âge "bête"… Peut-être aussi parce qu’elle a baigné dans le système anglais au moment où elle se construisait ! Les lycéens, finalement, intègrent plus une démarche d’orientation personnelle plutôt que le système scolaire. Les cours du CNED ainsi que le cursus anglais qu’ils ont suivi tous les trois sérieusement leur permet maintenant de ne pas avoir de grosses lacunes et être assez à l’aise dans le programme français. »



Et enfin, pour les plus petits, il n’est pas toujours facile de trouver une place en crèche ou une assistante maternelle quand on ne connait pas encore son lieu d’habitation. En effet, pour la plupart des crèches municipales, les commissions d’attribution ont lieu en avril. Il faut cependant présenter un justificatif de domicile pour pouvoir ouvrir un dossier dans la plupart des villes.
Claire : « Avoir une place en crèche relève du miracle et j’ai eu plusieurs déconvenues avec des assistantes maternelles donc actuellement je m’occupe de Charlotte, notre cadette. »

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Le retour à l'emploi :

Après plusieurs années d’expatriation, sans travailler, il est parfois difficile de valoriser ce « trou » sur son CV. Cela peut cependant être l’occasion de faire un bilan de compétences et de mettre en avant son expérience au sein d’une association.
Claire : « Pour ma part, je n’ai pas travaillé en Angleterre. En arrivant à Marseille je me suis inscrite à Pôle emploi assez facilement. Mes indemnités m’ont été versées au bout d'un mois. J’ai réalisé une sorte de bilan de compétences qui m'a permis de poser mes contraintes, valoriser mes nouvelles compétences et de déterminer des objectifs. »

Florence : « Je n’ai pas travaillé en Angleterre. Mais quelques mois avant de partir, j’ai enfin eu le courage de pousser la porte d’un charity shop et ce fut une superbe expérience de volontariat qui a complété celles réalisées en France durant des années. En effet, le « trou » professionnel sur mon CV date de beaucoup plus d’années que celles passées à Bristol ! Je suis donc en cours de revalorisation personnelle. J’ai trouvé une association "Force Femmes" avec laquelle je travaille actuellement à me réintégrer sur le marché du travail. Je la recommande vivement. Elle s'adresse uniquement aux femmes de plus de 45 ans, inscrites à Pôle Emploi depuis moins de deux ans. Elle est présente dans 15 villes et offre des vraies compétences en RH : Coaching individuel et formations collectives dispensées gratuitement en vue d’un retour à l’emploi salarié ou une création d’entreprise. »

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L'expatriation a pu, pour certaines, être l'occasion de travailler sur des projets personnels mis en attente ou reprendre des études.
Noémie : « Je n’ai pas travaillé à proprement parler en Angleterre mais j’avais des projets personnels, comme la rédaction d’un ouvrage. J’ai également été bénévole dans une care farm. Ce fut une superbe expérience qui m’a permis d’apprendre plein de choses.
Lors de l’expatriation, j’étais en disponibilité. En rentrant, j’ai pu retrouver un poste dans l’enseignement. Je suis professeur de français mais grâce à mon expérience en Angleterre, on m’a demandé si je serais en mesure de donner des cours d’anglais si besoin. »



Enfin, l'expérience dans un pays étranger peut être également un plus dans un CV.
Mathilde : « Je ne travaillais pas en Angleterre mais j’ai trouvé tout de suite un travail en arrivant en France, au sein de l’école de mes enfants, comme enseignante suppléante. L’enseignement n’est pas ma formation de base mais les 4 ans de tutorat CNED auprès de mes enfants a été un vrai atout pour prendre ce poste. Sans connaître le système de l’éducation nationale, je connais très bien les programmes ! »


Pour d'autres, le retour en France peut très bien se passer avec un poste qui les attendait (possibilité de se mettre en disponibilité dans la fonction publique).
Karine : « Pendant 3 ans, j’ai donné des tutorats aux élèves français, avec Fast Tutoring, à la Colston’s School. Cette année, j’ai réintégré un poste de professeur des écoles au sein de l’Education Nationale. Je n’ai eu aucun souci pour le faire puisqu’il s’agissait de mon académie d’origine.
Cependant, je suis passée à mi-temps pour me laisser du temps pour emménager, gérer les travaux de rénovation de notre maison et surtout l’intégration des enfants. Je continue donc à faire quelques heures de cours en ligne pour des enfants expatriés. »


Bientôt la suite des portraits croisés, avec un premier bilan de cette expatriation et des conseils pour vivre au mieux cette période de transition.



Propos recueillis par Jessica Ung, en Février 2022

Commentaires

  1. Bravo pour cet article et ces témoignages d'une grande richesse. Je suis en plein préparatifs du retour et c'est vraiment génial d'avoir ces retours d'expérience pour aider à se projeter ! MERCI

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